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19 janvier 2013 6 19 /01 /janvier /2013 10:34

Djangounchainedposter3

Western dramatique américain réalisé par Quentin Tarantino et sortit en 2013. 2h45

Django-Unchained

 

Un paysage ricain inondé de soleil et de corps noirs qui avancent, péniblement. Au milieu des dunes, les pieds menottés marchant sur des graviers brulants. Ils se suivent, las. La musique commence. Le titre s'affiche, en rouge, semblant sortir de leurs yeux : couleur sang, couleur vengeance. Ca ne va pas se passer comme ça. La file de corps fatigués sera vite dispatché, et le son de leur colère résonnera dans le monde entier. L'Histoire n'a qu'a bien se tenir. Il y aura du sang.

Toujours armé de son style singulier, Tarantino avance, depuis son dernier film, sur le douloureux sentier des crimes de l'humanité. Mais il restait, encore, dans Inglorious Basterds, une certaine superficialité des personnages, réduits au rang de pantin avec un cinéaste se regardant un peu filmer. Django Unchained, gommé de l'artificialité de son grand frère, marque ce qui est sans doute le renouveau de la maturité chez son auteur, un nouvel amour clamé à ses personnages, et au cinéma, toujours.

Ainsi Django va, baigné de références pops, de raps tonitruant, déchainé sur l'autel d'une Histoire qui s'est construit sur la douleur, glissant ses sabots marqués de noirs sur les pages jaunies d'une Amérique détestable et vouée à sa perte. On pourra dire de Django qu'il est un film léger. Sa drôlerie permanente, la bouffonnerie apparente des négriers présentés, portent il est vrai à confusion. Mais c'est qu'ils cachent, tous, les fragments d'une mélancolie contemplative et douce : lorsque Tarantino regarde ces paysages magiques et ces silhouettes qui avancent, las, c'est son pays qu'il regarde, qu'il affronte, caméra à la main, prêt à dégainer. L'œuvre est d'une douleur et d'une cocasserie infinie.

Chacun de ses sommets (La fameuse scène des Ku Klux Klan, par exemple, résumant à elle seule le film) relèvent d'une ingéniosité et d'une habilité, d'une finesse assez étonnante de la part d'un cinéaste qu'on croyait depuis quelques temps perdus dans les couloirs des auteurs prisonniers de leur style : lorsque l'on rit, de ces abjects se plaignant de ne rien y voir sous leur cagoule, il faut voir l'absurdité du monde tel qu'il s'est construit, à l'apparence soignée et belle (la mise en scène de Tarantino), juste un vernis lisse, cachant la douleur de ce qui s'y trame (le scénario) : c’est par l’unité entre la forme et le fond que le cinéaste captive. Et pour la première fois aussi, l'idéologie de la vengeance est filmée avec distance, distance encore incomprise.

Car Quentin a grandi. A muri. Il peut désormais nous raconter son histoire, l'histoire d'une Histoire dont les êtres ne supportent plus la trame, qui créée des envies de vengeance et de sang, des visages impassibles qui vont exploser, faire jaillir parce que n’en pouvant plus le liquide pourpre sur les chevaux blancs. Alors, comme toujours, les flingues dorment longtemps, et on cause, on cause, on cause de plus belle. Il y a, bien sûr, encore des scènes qu'il étire, où il dilate le temps, où se permet des instants de poésie suspendue : King Schultz racontant à Django l'histoire de cette princesse prisonnière du dragon, qu'un chevalier viendra sauver, Django captivé, Django qui écoute, le feu se reflétant dans la brillance de ses yeux. Le film est soudain très beau, très profond. Le mur devant lequel Schultz illustre son histoire devient toile, toile de cinéma, où tout peut s'y jouer, où tout peut s'y changer. Et dès lors que la violence (réaliste cette fois ci) explose, elle donne à l'œuvre tout son sens : rien d'infantile là-dedans, dans l'impassibilité de Django qui regarde un frère mourir, déchiqueté par les chiens, seulement le reflet d'un monde qui a créé des monstres de vengeance et d'humanité, les deux à la fois.

Dépourvu de tous manichéisme, toujours entre-deux, drôle dans la tragédie même, bouffon dans ses moments d'émotion, cruel dans son humanité, lucide dans son optimisme fou. Et ce en partie grâce aux acteurs : Samuel L. Jackson, splendide majordome noir avide de pouvoir et de puissance, élève un numéro d'autodérision vers une réflexion sur l'ambiguïté morale des êtres. DiCaprio est splendide de cruauté perverse. Waltz pétillant et vif, d'une intelligence implacable. Et Jamie Foxx, son Django, est plus sobre que finalement effacé, nègre habillé de velours, accoudé au bar, le regard droit, la main sur son flingue. Tarantino le filme, héros de western, douleur dans ses yeux, marques du fouet incrustées sur son dos, chevauchant les paysages à la recherche de son amour perdu. Sa quête est tour à tour hilarante et tragique, habitée d'une émotion pure mais jamais larmoyante, puisque celle de redécouvrir ce qu'on nous a volé, de redécouvrir ce plaisir si exquis d'attendre que les lumières s'éteignent, que les gens devant se taisent, que le bruit du projecteur se dessine dans le silence et que le générique commence, un plaisir d'enfant qui découvre un film adulte, ce film génial et stimulant, ce film, qu'au fond de nous, nous attendions tant. 18/20  

 

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commentaires

D
Bonjour, il fait vraiment passé un excellent et long moment. C'est drôle et bien mené. Mention spéciale à Christoph Waltz qui a bien mérité son Oscar.
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