Drame américain de Paul Thomas Anderson sortit en 2008 avec : Daniel Day-Lewis (Daniel Plainview) ; Paul Dano (Eli/Paul Sunday) ; Dillon Freasier (H.W. Plainview) ; Russell Harvard (H.W.
Plainview). 2h40 environ.
Oscar du meilleur acteur pour Daniel Day-Lewis et de la meilleure photographie.
Synopsis : Lorsque Daniel Plainview entend parler d'une petite ville de Californie où l'on dit qu'un océan de pétrole coulerait littéralement du sol, il décide d'aller tenter sa chance et part
avec son fils H.W. à Little Boston. Dans cet endroit perdu où chacun lutte pour survivre et où l'unique distraction est l'église animée par le charismatique prêtre Eli Sunday, Plainview et son
fils voient le sort leur sourire.
Même si le pétrole comble leurs attentes et fait leur fortune, plus rien ne sera comme avant : les tensions s'intensifient, les conflits éclatent et les valeurs humaines comme l'amour, l'espoir,
le sens de la communauté, les croyances, l'ambition et même les liens entre père et fils sont mis en péril par la corruption, la trahison... Et le pétrole.
Mon avis :
La terre est pourvue de sang. Du sang noir, du sang sombre, que l'homme puise, vole, pompe, avec ses multiples tuyaux, tapant contre les rocs, formant des musiques stridentes et rocailleuses. Des
coups. Violents. Secs. Faisant jaillir ce même liquide noir. Geyser obscur, plus obscur encore que la moustache de Daniel Day-Lewis. Et la terre, exploitée, se vengeant de son pétrole. A
coup d'explosions spectaculaires. Cet or noir qui dessine le vide. Ce vide abyssal qui s'empare des hommes, qui forme la cupidité des êtres et leur égoïsme, brulant les liens et les curs comme
le pétrole s'embrase, et qui les engloutit... A jamais. Les artères de la terre, en opposition avec ce dieu qui n'est plus que superstition, irriguent ce que tout les ambitieux s'arrachent.
Suivent ces vaisseaux qui conduiront certains à la mort et à la folie. La musique est violente. Mais lyrique. L'atmosphère étrange habite nos sens, perturbe. Paul Thomas Anderson souligne tout en
gros traits ; Daniel Day-Lewis surjoue, menton crispé, en fait trop, mais vit magistralement son personnage. Et à la fois, quel importance : puisque le plaisir est total. La lenteur est
désespérante. La belle affaire ! Elle contribue à l'inquiétude, et au malaise. Ce film audacieux rappelle ces glaces que l'on croque, déguste, aime, mais qui gèlent finalement les dents
jusqu'au frisson. There Will Be Blood n'est pas glacial, pourtant. Tout de sueur, tout de chaleur. Gouttes de pétrole, gouttes de sang. Paul Thomas Anderson réalise ici son cinquième film, et -
osons le superlatif - un des ces chef-d'uvre qui restent ancrés dans nos mémoires pendant un bon bout de temps. Épique, construit entièrement sur des duels, le film coule sur deux heures et
demi, âpre, sombre, tiré au maximum vers la tragédie. L'affrontement de deux hommes, deux descentes aux enfers, deux manipulateurs ; l'un, capitaliste ambitieux méprisant les autres ; l'autre,
prophète évangélique hystérique assoiffé de pouvoir. Il les filme, se cherchant dans les flaques de pétrole, se trouvant tout deux, s'humiliant, s'attaquant, se vengeant tour à tour. Jusqu'au
dernier round, éprouvant, ambigu, dérangeant. L'affrontement ne sera pas que psychologique, nous dit Anderson. Il y aura bel et bien du sang. Au moyens de thèmes comme la religion,
l'argent et famille, le cinéaste annonce directement la couleur. LES couleurs. Rouge. Noir. Vif, foncé. C'est un film pesant, violent, nerveux, sale. Assourdissant. Pourtant, durant
quelques nombreuses minutes, il n'y a pas de dialogues. Juste des bruits. Des cordes qui se tendent. Des rochers qui s'ébruitent. Des sons dissonants, stridents. Des gens qui courent, barbouillés
de sueurs. Des hommes trop peu honnêtes qui s'écroulent lourdement. Des individus si riches dargent et si pauvres d'esprits marchant sur le sol cuisant. Des êtres méprisants. Méprisables, qui
hurlent de haine sans jamais ouvrir la bouche. Des humanités assombris. Des travellings longs, intenses. Comme le mythique "Rosebud" ouvrant Citizen Kane, There Will Be Blood, lui, se
conclut par trois mots aussi mystérieux que la courte tirade de Kane/Welles sur son lit de mort : "C'est fini", prononce l'un des deux ennemis, assis par terre devant le corps gisant de son
adversaire. Et pourtant, rien n'est fini pour le cinéaste : il continue, de films en films, à creuser sa renommée comme ses personnages creusent les puits de pétrole. Au bout, il ne trouve pas
cet or noir si précieux. Mais la clé de ses uvres, toujours plus belles, toujours plus profondes...Des visions de cinéma. 19/20.
Du même réalisateur sur Ptit'ciné, le blog :