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18 septembre 2011 7 18 /09 /septembre /2011 16:55

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Comédie française réalisé  par Jacques Tati sortit en 1937. 2h00.

article playtime

Où est Hulot ? Où se cache t-il ? Dans quel petit coin de l'écran ? Derrière quel angle bétonné des immeubles impersonnels ? A l'intérieur de quel mouvement de foule de cette énorme jungle urbaine ? Le film commence par une vue sur un ciel bleu parsemé de nuages, et l'un des rares mouvements de caméra nous emmène devant un gratte-ciel d'un Paris futuriste, rétro, design, froid. Dans l'immeuble, une salle presque vide. A gauche, seul un couple d'âge mûr discute, d'une voix que l'on entend à peine. Des dialogues inaudibles, d'une importance minime, donc. Le sol est clair, brillant. Un homme passe, tourne, fait demi tour, puis encore une fois, tourne, avance, mouvements géométriques de ces pas et droit comme un "I", il semble attendre. Attendre quoi ? Qui ? On n'en saura rien. Il ne le dira pas. Il ne fera que ce taire, et marchera, toujours. Près de lui, un homme de ménage regarde par terre, lentement. Fixe ses pas. A-t-il fait des taches ? Le sol est-il aussi propre ? Eh bien oui. Tant pis. Une autre fois peut-être...Un brouhaha s'installe. La salle se remplit. Changement de plan. Les hommes, les femmes, les enfants, tous se placent dans le décor. Petit à petit, l'on découvre que nous sommes dans un aéroport. Le brouhaha continue, et l'on se met à chercher Hulot, nous spectateurs, parce que, arrêtons nos conneries, c'est quand même lui le héros...Est-ce lui là-bas, à gauche, de dos, plutôt grand, long manteau, chapeau en biais vissé sur la tête...Non...Peut-être lui, là-haut...Non plus...Tati installe un petit jeu de piste discret entre lui et nous, truffe chaque plans de gags visuels et sonores jamais appuyés, récompensant l'attention des plus attentifs. Hulot fini bien par apparaître, à un moment, et là...Un doux nuage s'empare de l'écran, celui sur lequel il flotte, en rêveur poli, observateur de la société, des gens, des mouvements. Une âme de cinéaste, donc, l'âme même de Tati qui dessine, dans cette satire féroce, le naufrage humain de la modernisation, l'uniformisation, le standard, l'impersonnel. Le personnage observe, assis sur un fauteuil improbable, un homme automate, chaque geste à la sonorité millimétrée, exagérée, absurde. Il fixe aussi, dans cette exposition inutile, le culte de l'objet roi. Il écoute, évasif, moult propositions : "Achetez la porte inaudible !!", "Ne manquez  pas le nouveau balai électrique !". Il nous fait croire, quelques secondes, qu'il ne juge pas ces gens, affolés à l'idée de posséder les nouveaux appareils derniers cris. Et pourtant, plusieurs fois, c'est la poésie qui l'emporte. Tati truque les plans, creuse les plafonds, traverse les murs, les vitres, filme d'incessants jeux de miroirs, donne à son film, parfois, des airs de film muet...Playtime à toutes les qualités - et aussi les défauts - d'un film expérimental. Exit tout suspense, tout retournement, tout scénario qui se tient, mais pourtant, l'on ne s'ennuie jamais. Il y a assez de trouvailles, de travail graphique et sonore que l'on ne peut que s'incliner. Car Tati a recréé le monde. Et sans explicitement le dévoiler, le quotidien des hommes. Dans leurs dialogues inaudibles, se racontent les journées passées, le moment présent, l'avenir... Hulot n'est pas le héros. Il n'est qu'un autre monsieur, qui ressort d’abord à l'écran car en dehors, en marge de la folie absurde de l'univers dans lequel il vit. Rien de plus. Le vrai héros, en fait, c'est... personne. Et sans doute un peu tout le monde aussi. Tati nous le dit, cela, dans les  deux dernières scènes du film. La première : un restaurant se rempli. Petit à petit. La musique commence. Là, tout bascule. Plus rien n'est symétrique. Ni les pas. Ni les mouvements. Ni les regards. On se déchaîne. On se parle, très vite. On danse ensemble. On retrouve des gens que l'on connaît. On retrouve des gens que l'on ne connaît pas. On les présente à d'autres, qui nous présentent à d'autres... Durant cette longue nuit, Hulot se montre clairement plus à l'aise. Il se prête au jeu, fait la rencontre d'une jeune touriste américaine (Barbara Denek). Jusqu'au petit matin. C'est la deuxième. Là, on se dit au revoir. On se quitte, pleins de regrets, prêts à se revoir, en fixant les ballons rouges, jaunes ou bleus qui se hissent sur les façades incolores des immeubles. Ce sont deux scènes magnifiques, où Tati quitte l'expérimental pour fixer, plein de tendresse et de bonheur, l'humanité, la vraie, se voyant renaître au coeur d'une magique nuit de fête. 

 

Interprétation : 4/5

Mise en scène : 5/5

Scénario : 3/5

Travail artistique : 5/5

Total des points : 17/20

 

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